LE PONT DU VALLON SIMIAN (philippe Leveau) |
De
Fontvieille au Vallon des Arcs, l'aqueduc d'Arles contourne en suivant la
courbe de niveau le massif de collines qui, prolongeant des Défends de
Sousteyran, séparent Fontvieille de la vallée des Baux. Avant de rejoindre le bassin
amont du Vallon des Arcs à l'est de la D82, entre l'ancienne carrière devenue
ball-trap et la D 33, il franchit sur six ponts et ponceaux la série des
"Vallons des Raymonds", soit les vallons Sumian, des Raymonds, Charmassonne,
Porteau, Peissonnier et le vallon Roux (ou « Pont écroulé de la D33). Le
pont le plus important et le mieux conservé de ces petits ouvrages est le pont
du vallon Sumian. qu'emprunte le canal de l'aqueduc d'Arles pour les franchir.
En 1992, cet ouvrage a fait l'objet d'une campagne de fouilles dirigée par
Bruce Hitchner. L'opération avait consisté en un nettoyage de l'ouvrage en vue
de son étude et une fouille dont l'objectif était d'évaluer l'impact de la
construction de l'ouvrage sur le fonctionnement du vallon. Seule cette dernière
a été publiée. En revanche, l'étude du pont qui avait été ébauchée est restée
inédite. En 2000, Bruce Hitchner m'a remis un rouleau de plans qui comportait
les relevés détaillés que l'équipe avait effectués. Ces relevés ont servi à la
réalisation des figures 3 et 4 publiées par P. Bellamy et Bruce Hitchner dans
leur article de 2000 (p. 27 et 29). De nombreuses mesures et observations
inédites y sont consignées. Elles n'avaient pas été mis au propre. En
juillet 2008, l'ouvrage a été de nouveau nettoyé par l'association des
randonneurs de Fontvieille. Il devenait possible de vérifier la pertinence des
relevés. Cette vérification a été menée de manière conjointe par H. Dessales et
par M. Goutouli durant l'automne 2008. La première a poursuivi les observations
qu'elle avait faites sur l'opus vittatum
des deux ponts du Vallon des Arcs. La seconde avait publié une première étude
du grand appareil du pont aqueduc d'Arles sur le même site et participé
occasionnellement à l'opération conduite en 1992. Sa participation s'inscrit
dans la continuité des recherches qu'elle a effectuées sur les carrières
romaines de Fontvieille à la suite d'une fouille dont elle avait eu la
responsabilité lors de l'opération Artère du Midi. Les observations qu'elle a
effectuées sont consignées dans le rapport joint. La
rapide présentation qui suit donne pour mémoire une présentation du pont
Simian. Le canal
Le
canal qui se dirige d'ouest vers l'est subsiste à l'ouest de la culée amont.
Son mode de construction est analogue à celui de l'aqueduc d'Arles tel qu'il
peut être observé sur la culée amont de l'ouvrage à la sortie du bassin et, à
l'aval, sur le rocher de la Pène : un parement extérieur de blocs de grand
appareil reliés par des agrafes encadrant un canal formé de deux piédroits en petit
appareil de moellons enduits à l'intérieur de mortier de tuileau. Présentation générale
Les deux faces de ce petit
pont qui mesure environ 48 m de longueur pour une élévation de 6 m de hauteur
permettent d'observer la série conservée des phases observées sur le pont A. A
la différence de la partie centrale de celui-ci, celui-ci en effet, il n'a pas
fait l'objet d'une reconstruction complète au-dessus des fondations. Dans son premier état, le
pont comportait cinq arches et était construit en grand appareil, comme le
premier pont (A1) du Vallon des Arcs. Le grand appareil est
visible en façade sud sur les trois arches. Il subsiste dans le corps des piles
et dans la culée aval où la destruction des maçonneries dans lesquelles il
était incorporé permet de l'observer. Aux trois quart écroulée, celle-ci est la
partie la moins bien conservée de l'ouvrage. Elle incorpore une arche dont les
claveaux sont visibles. Les blocs qui la constituent mesurent 2,30 m de long
sur 0,85 m de large et 0,70 m de hauteur. Certains présentent un bossage
rustique analogue à celui observé au Vallon des Arcs. En l'absence d'indice
chronologique précis permettant de dater la construction de cet ouvrage, on
adoptera celle qui a été proposée pour la phase initiale du pont du Vallon des
Arcs. Ultérieurement l'ensemble du pont fit l'objet de réfections qui
incorporèrent les éléments de l'ouvrage primitif qui pouvaient être maintenus
en place ou en remploi. En plan, il fut élargi par la construction d'un mur de
doublage placé contre la façade septentrionale. En élévation, la réfection
porta sur les arches en respectant les piliers dans leur quasi intégralité.
Pour la clarté de l'exposé, nous établirons une distinction entre les faces
septentrionale et méridionale de l'ouvrage. Façade méridionale
En façade méridionale, les
arches ont été doublées par l'adjonction d'une maçonnerie de blocage à parement
en petit appareil. Cette opération a entraîné la réduction de leur ouverture.
Le grand appareil apparaît encore en façade dans le corps des piles et sur le
tablier du pont. Il est donc vraisemblablement conservé dans la partie interne
de la pile, alors qu'en façade, les claveaux des arcs ont été bûchés pour
permettre la mise en place du blocage en petit appareil. Toutes les arches
restaurées et consolidées présentent une ouverture de 1,7 m de rayon dont les
claveaux sont partiellement conservés. À l'exception d'une partie des blocs
d'imposte, les piliers ont été conservés dans leur quasi intégralité. Sur la face sud de la pile
S1, on observe un bossage grossier ceinturé par une ciselure périmétrale. Le
bloc d'imposte de cette pile mesure 2,5 m de long pour 0, 46 de hauteur et
présente une mouluration fortement érodée. L'imposte de la pile S3 dont six
assises sont conservées mesure 2,40 m de long pour une épaisseur de 0,48 m. Le
sommet de l'arche S1/S2 est constituée de sept blocs en grand appareil formant
claveaux. En définitive donc l'originalité de la première arche (S0/S1)[1] est d'avoir été restaurée
par remplacement partiel en façade des claveaux de grand appareil avant de voir
son ouverture réduite par la mise en place d'un doublage de l'arche. Les
parements des intrados des arches présentent une grande homogénéité et sont
réalisés en moellons de calcaire. La seule exception est l'arche S2/S3 pour
laquelle de la brique a été utilisée. Un sondage au pied de la pile S1 a montré
que celle-ci était constituée par une tranchée de dimension inférieure à la
base de la pile descendant sur le rocher, dans laquelle avait été coulé un
blocage. Façade nord
Barrant le vallon qu'il
franchit, le pont Sumian forme actuellement un mur de terrasse séparant deux
olivettes. De ce fait la partie inférieure de sa façade nord est masquée par
les sédiments qui se sont accumulés dans le vallon. Elle est moins bien conservée
que la façade sud. En effet de ce côté exposé au mistral, les blocs de grand
appareil du premier état ont beaucoup souffert des agents atmosphériques. À l'est, une campagne de
restauration a fait complètement disparaître le grand appareil sous un mur de
0,85 m d'épaisseur parementé de petits moellons quadrangulaires irréguliers
joints au mortier mesurant en moyenne 23 cm de long pour 10,5 cm de haut.
Cependant les dimensions varient entre 16 cm et 30 cm pour les longueurs et 15
cm pour les hauteurs. La partie intérieure de ce mur est constituée de moellons
de même type mais plus grossièrement taillés. Sa construction a nécessité la
mise en place d'un échafaudage dont la trace est conservé par deux trous de
boulin espacés de 2 m d'une section de 10 cm sur 12 cm et d'une profondeur
d'une trentaine de cm. Ce mur se prolonge latéralement sous la première arche
(S0-S1) qui, elle-même paraît avoir été restaurée antérieurement à ce doublage.
À la différence des deux
arches centrales S2 et S3 et comme sur l'arche S4, le grand appareil n'est plus
visible. En façade, il est remplacé par une rangée de claveaux en calcaire
monochrome qui, à l'ouest, repose sur un bloc de grand appareil (probablement
récupéré) servant l'imposte. Il n'est pas impossible que cette première
intervention sur l'ouvrage soit contemporaine de la réfection de la culée
orientale du pont incorporant l'arche S5 en grand appareil rendu visible par la
destruction partielle de cette section de l'ouvrage. Les appareils différent
sensiblement : à l'est, les moellons du parement de la face sud de l'arc
de doublage présentent des arêtes adoucies qui ne se retrouvent pas sur le
parement de la culée aval dont les arêtes sont vives et où les joints sont
sensiblement moins épais (autour de 1 cm au lieu de 1,3 cm). Mais il peut
simplement s'agir d'une différence d'équipe. Sur sa partie septentrionale,
cette même culée a fait l'objet d'une réfection caractérisée par la mise en
place d'un mur de petit appareil de 0,45 m de large. Les raisons de la construction échappent. Mais on doit
observer que des renforts analogues ont été observés sur d'autres ponts
aqueducs, ceux de l'aqueduc de Nîmes par exemple. Les phases
Lors d'une fouille qui s'est surtout attachée à étudier l'impact
de la construction de l'ouvrage sur le fonctionnement du vallon, l'équipe qu'a
dirigée Bruce R. Hitchner a distingué quatre phases en chronologie relative
(sans tenir compte de nombreuses restaurations) : 1.
la construction du pont en grand appareil ; 2.
une première réfection portant sur l'extrémité orientale ; 3.
une seconde réfection de l'extrémité occidentale que les
fouilleurs supposent postérieure du fait des caractéristiques des
appareils ; 4.
une phase de renforcement du pont, clairement postérieure aux
autres. Cette dernière serait contemporaine de la reconstruction de l'aqueduc
au vallon des Arcs (Bellamy et Hitchner 2000, 28). La question est évidemment d'établir une claire distinction entre
les différences dues aux équipes qui ont pu opérer en même temps en des
secteurs différents de l'ouvrage et celles qui correspondent à des
interventions bien distinctes. Comme au vallon des Arcs,
cette première période qui correspond à un ouvrage en fonctionnement fut suivie
d'une seconde durant laquelle il fut intégré aux activités agricoles locales.
Situé en position perpendiculaire à l'axe du talweg, le pont forma un barrage
et servit de mur de terrasse. À cet effet, les arches furent obstruées, l'arche
occidentale par un muret en pierres sèches, les autres par des blocs en grand
appareil. L'utilisation des grands blocs, plutôt que des moellons, semble
indiquer que le revêtement en petit appareil était tombé et que les moellons
ont été recouverts avant l'obstruction des arches. Sur la façade méridionale
des piles S2 et S3, sept orifices de 20 cm de côté, profonds de 10 cm environ
conservent la trace de l'encastrement des solives de la charpente d'une maison
adossée au pont. Un petit cadran solaire a été gravée sur la troisième assise
de la pile S3. La récupération de matériaux pour cette construction, -qui est
plus qu'un hangar agricole-, explique probablement une partie des destructions
subies par l'ouvrage. La présence d'une inhumation recouverte par un petit
monticule contre le parement méridional de la culée orientale est peut-être en
relation avec cet habitat. ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ [1]
Par commodité, les arches
et piles du Pont Sumian sont précédées de la lettre S (pour Sumian). Cela
permet de les distinguer de celles des deux ponts du
Vallon des Arcs, distingués par les lettres A et B. La numérotation des blocs suit la numérotation
adoptée sur ce site. La pile A reçoit le départ amont de la première arche et
la numérotation se poursuit jusqu'à la pile E qui reçoit la retombée de la
quatrième arche. L'observation montre qu'il existait dans la construction
initiale de cette pile, des claveaux impliquant la présence d'une cinquième
arche, reprise ensuite dans la culée aval en petit appareil. A l'intérieur de
cette classification, les blocs de grand appareil reçoivent un numéro de gauche
à droite par assise, à partir de l'assise basse. |